Hitchcock (2013)
Ma note : 7/10
Après un documentaire encensé par la critique sur Anvil en 2008, groupe de heavy-métal canadien des années 80, Sacha Gervasi a choisi de relever un défi de taille : réaliser un biopic sur le maître inconditionné du suspense, sir Alfred Hitchcock himself. Pari d’autant plus audacieux et ambitieux qu’il s’attarde sur une période cruciale de sa carrière que fut le pari fou de Psychose.
SYNOPSIS
Alfred Hitchcock, réalisateur reconnu et admiré, surnommé « le maître du suspense », est arrivé au sommet de sa carrière. A la recherche d’un nouveau projet risqué et différent, il s’intéresse à l’histoire d’un tueur en série. Mais tous, producteurs, censure, amis, tentent de le décourager. Habituée aux obsessions de son mari et à son goût immodéré pour les actrices blondes, Alma, sa fidèle collaboratrice et épouse, accepte de le soutenir au risque de tout perdre. Ensemble, ils mettent tout en œuvre pour achever le film le plus célèbre et le plus controversé du réalisateur : PSYCHOSE.
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UN BIOPIC INSTRUCTIF
“Hitchcock“, voilà un titre qui met l’eau à la bouche. Que l’on soit amateur du genre, cinéphile ou simple curieux, son charisme et son oeuvre n’aura laissé jusque là personne indifférent. Et aussi ambivalent que celui puisse paraître, à cette curiosité peut également se lier une certaine crainte: celle de voir le mythe égratigné ou trop éloigné de l’image que l’on avait pu s’en faire jusqu’à ce jour.
Sans doute pour minimiser ce risque et s’adresser à un large publique, Sacha Gervasi a donc décidé de mettre en lumière une période qui aura marqué un tournant dans la vie d’Alfred Hitchcock, et révolutionné ce genre qu’il maîtrisait si bien. Via ce biopic, ce dernier nous offre en effet la possibilité de découvrir les coulisses du tournage de ce film culte. Du souhait du “maître” de renouveler son oeuvre, en passant par sa lutte pour donner vie à ce projet fou, ses sources d’inspiration, sa mécanique, ses doutes, et autres secrets de fabrication, tout est mis en oeuvre pour assouvir notre curiosité et répondre aux questions que l’on a pu se poser. S’ajoute à cela un aspect technique plus qu’appréciable qui permet de mieux comprendre les différentes étapes du process de production et de distribution propres au cinéma hollywoodien de l’époque.
TROUVER LE JUSTE ÉQUILIBRE ENTRE FICTION ET RÉALITÉ
Ceci étant, que les choses soient claires. Cet effet n’aurait pu se faire sans la justesse du choix du casting et la performance individuelle et collective de l’ensemble des acteurs. La performance d’Anthony Hopkins nous révèle un véritable talent caché pour le mimétisme aussi bien vocal que gestuel, de quoi semer une certaine confusion dans nos esprits le temps d’une seconde. Nulle raison ne justifierait cependant que tous les honneurs ne lui reviennent qu’à lui seul. Helen Mirren les mérite également, en interprétant la femme du “maître” qui se révèle avoir été un pilier d’une grande influence tout au long de sa carrière. Quant aux acteurs de second rôle – entre un Anthony Perkins (James d’Arcy) plus vrai que nature et une Scarlet Johansson en parfaite Janet Leigh -, ces derniers ne font qu’accentuer cette homogénéité et cette crédibilité qui renforce la dimension biographique du film ô combien risquée.
Malheureusement – ou non -, la perfection n’existant pas, certains bémols viennent entacher cette peinture audiovisuelle. Que l’auteur nous dépeigne ces aspects de l’histoire ou autres plus techniques en lien direct avec Hitchcock et Psychose, soit. Voilà qui est tout à fait légitime. En revanche, à ces éléments clés et instructifs s’ajoutent une multitude d’intrigues qui n’apportent non seulement rien au sujet du film, mais s’avèrent portés sur des détails relevant de l’intimité de leur vie de couple somme toute assez sordides et futiles, voire dérangeants. Dérangeants car ceux-ci ont tendance à scinder le film en deux parties, dont une aux abords bien plus fictifs que ne devrait l’être un biopic.
Parmi ces éléments perturbateurs en figure un qui sort du lot, à savoir les visions paranoïaques voire quasi schizophréniques d’Hitchcock mettant en scène un dialogue entre ce dernier et le meurtrier du roman éponyme Psycho de Robert Bloch. Certaines scènes nous laissent à penser que “le maître du suspense” aurait eu parfois quelques difficultés à distinguer la fiction de la réalité. Au-delà du fait d’être une fois de plus dérisoire, elles semblent entretenir le mythe on ne peut plus cliché qui laisse sous-entendre que le génie artistique d’une telle envergure va nécessairement de paire avec une sorte de folie malsaine et destructrice. Cette probable volonté d’entretenir ce fantasme et de rendre le film encore plus divertissant qu’il ne l’est déjà parait donc malheureusement de trop.
UN MYTHE RESTE UN MYTHE
Hitchcock reste néanmoins divertissant et instructif. Le but d’un biopic est d’apporter des éléments que le public n’est pas censé connaitre, de nous montrer l’envers du décor, et il y parvient. A l’image de La Dame de Fer, ce genre cinématographique prend inévitablement le risque de se laisser envahir par une dose de fiction trop présente qui tend à ternir la vérité – laquelle pourrait pourtant aisément se suffire à elle-même la plupart du temps. Après tout, n’est pas Hitchcock qui veut.
La preuve en est avec ce document original retraçant la promotion de la sortie en salles du film Psychose en 1960. Comme le film nous permet de le découvrir, nul ne croyait en ce film, jusqu’à ce qu’ils découvrent ce prologue/trailer qui parvint miraculeusement à rameuter une horde de curieux le jour J. Et oui, Hitchcock était aussi un génie du marketing.
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