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Filmosaure | February 11, 2019

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La famille de Nicky (2011)

Gibet
  • On April 20, 2013

Review Overview

Note
3

Insipide

Date de sortie (France) : 6 mars 2013

La famille de Nicky de Matej Minac nous rappelle douloureusement qu’un grand sujet ne fait pas automatiquement un grand film.

Certes, l’histoire ce « Schindler britannique » qui sauve 700 enfants juifs de manière si désintéressée que son acte encore aujourd’hui pousse les gens à agir pour leur prochain est, en elle-même, puissante. C’est un sujet, pour tout dire, incontestable. Impossible de dire « ça ne mérite pas un film ! » Malheureusement, l’incontestable du sujet contamine l’aura du film. Je ne vois pas d’autre explication possible au fait que La famille de Nicky ait reçu tout un tas de prix dans les festivals alors que dans les faits c’est un très mauvais film. Et on imagine, étant donné la tonalité finalement assez similaire des deux films, Minac nous condamner sentencieusement pour ces paroles, à la manière de Roselyne Bosch qui traitait de con et d’insensible quiconque ne pleurait pas devant son infâme Rafle. Elle oubliait notamment qu’un film qui parvient à faire pleurer son spectateur n’est pas forcément bon. La famille de Nicky, par exemple, est très efficace sur le plan lacrymal… et c’est clairement là le problème !

Minac utilise, dans la dernière partie du film, une archive télévisée. 50 ans se sont passés depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale et quelqu’un découvre ce qui était resté caché aux yeux des 700 rescapés pendant tout ce temps : l’identité du sauveur. Une émission télévisée est organisée, on fait venir Nicholas Winton sous un faux prétexte. La présentatrice, peu à peu, évoque le sujet, et on sent que Winton, dans le public, commence à comprendre qu’on parle de lui. La présentatrice en vient alors au fait et les rescapés, eux aussi dans le public, se désignent – d’abord un, puis encore un autre, et enfin, après que la présentatrice a dit « que tous ceux qui doivent la vie à Nicholas Winton se lèvent ! », une quarantaine de personnes. Évidemment, le pauvre Winto fond en larmes, et nous avec, car le bonhomme est touchant. Mais une fois les joues séchées, une série de questions apparaît : pourquoi leur a-t-il fallu passer par une mise en scène aussi artificielle et tire-larmes ? Ne pouvaient-ils pas aller toquer à sa porte avec un bouquet de fleurs à la main ? N’est-ce pas terriblement malsain d’offrir ce délicat moment de retrouvailles au public ?

La famille de Nicky, hélas, est sur ce mode là d’un bout à l’autre et accumule tous les effets faciles du pire de la télévision. Si un rescapé éclate en sanglots au détour d’une phrase, Matej non seulement continue à filmer son visage en gros plan sans esquisser le moindre geste de recul mais en plus il met ces 15 secondes de pleurs dans le montage final ! Où est la pudeur ? Où est le respect de la personne filmée ? Cela va sans dire que dans un vrai bon documentaire, ce passage aurait été coupé.

la famille de nicky

Le pire, c’est que le film n’est pas bon non plus quand il s’agit d’être simplement narratif. La reconstitution historique est tellement ratée qu’elle minimise l’héroïsme de Winton qu’elle souhaite en fait accentuer. Le film est affreusement manichéen. Les rescapés nous expliquent qu’ils vivaient dans le plus parfait bonheur avant que les nazis débarquent, et Minac en rajoute trois couches, en mettant à l’image des archives de gens qui dansent, chantent, rigolent. Or on voit aussi dans ces archives que toutes ces personnes ont grandi dans des milieux particulièrement pauvres. Je doute que ces miséreux passaient leur temps à faire la fête dans l’insouciance. À quoi bon idéaliser le pré-nazisme ? Parallèlement, les nazis ont tous les airs de méchants de cinéma. Minac les filme en contre-plongée et exagère la brutalité de chacun de leur geste, y compris les plus anodins. Un nazi laisse tomber une valise par terre ? Matej fait un gros plan sur la valise au sol et sur les visages horrifiés des enfants – pas pire que s’il venait d’éventrer quelqu’un. Les gentils ainsi sont parfaitement gentils, les méchants parfaitement méchants. Ça n’a aucune substance. Comment peut-on avoir peur pour des personnages si conceptuels ? Comment ne pas se dire qu’on a déjà vu ce genre de méchants caricaturaux mille fois dans des mauvais dessins animés et que « ça n’est pas si grave, ils vont perdre à la fin ! » ?

Nicholas Winton n’est pas mieux logé. Tel que le peint Minac, le bonhomme n’a pas hésité une seule seconde avant de sauver tous ces enfants juifs. On comprend que le cinéaste cherche à nous inciter à être aussi grands que lui, à s’engager dans la lutte pour les opprimés ! Mais comment Winton est censé nous inspirer alors qu’on le montre comme un type qui a fait une petite manipulation administrative facile sans réellement s’impliquer ? Il ne prend pas de risque. La seule menace réelle qui viendra s’opposer à lui, c’est une espionne nazie ravissante. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, et à triompher sans gloire, on n’aide pas spécialement l’humain lambda à aspirer à un monde meilleur. Dans son autobiographie, Chaplin nous raconte l’anecdote suivante : un saltimbanque souhaite se faire embaucher dans une troupe et passe un casting ; son talent consiste à faire tenir un œuf en équilibre sur sa tête ; il se fait recaler, Chaplin lui demande pourquoi, le type répond « Le patron veut que dans un premier temps je n’arrive pas à faire tenir l’œuf, pour que les spectateurs comprennent que c’est dur. Mais je ne suis pas assez bon pour faire semblant de rater… » Voici comment on exalte la grandeur d’un personnage, Minac ! Il faut montrer que sa prouesse est humaine tout en montrant dans le même temps qu’elle relève quand même d’un dépassement de soi.


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Contre-productif est le mot qui convient le mieux à La famille de Nicky. En aseptisant tout, le film nous émeut sans nous toucher, et ne remplit pas du tout sa dimension édifiante. Il vaudrait mieux à l’avenir laisser ce genre de sujets particulièrement difficiles à de véritables cinéastes.

Synopsis

Ce documentaire raconte l’histoire de Nicholas Winton, surnommé « le Schindler britannique », de ses faits d’arme pendant la Seconde Guerre Mondiale à nos jours.

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