Zero Theorem (2014)

- Gibet
- On July 7, 2014
Review Overview
Note
4Fadasse
Depuis 1998 et Las Vegas Parano, Terry Gilliam n’a pas signé de film qui soit à la hauteur de ce dont on le sait capable ; au contraire il s’est embarqué dans la mauvaise pente que tous les cinéastes à univers (Burton, Jeunet, Kusturica…) prennent, quand au fur et à mesure que l’âge monte, l’inspiration descend : la reproduction à l’infini de son propre style, vidé peu à peu de toute substance. Zero Theorem, malheureusement, n’échappe pas à la tendance.
Zero Theorem, c’est Brazil 2.0, autant dans le fond que dans la forme. Comme dans Brazil, Gilliam nous livre un monde bricolé, mêlant trouvailles futuristes et vieilleries de brocante, le tout filmé avec grandiloquence en 14mm et cadrages biscornus. Comme dans Brazil, le scénario prend sa source dans le 1984 d’Orwell, et le héros lutte, moins par revendication politique que par simple affirmation individualiste, contre une société où tout le monde est tout le temps surveillé. C’est d’ailleurs tellement précisément la même chose qu’on pourrait sans souci faire, entre Brazil et Zero Theorem, un tableau des correspondances, pour chaque personnage, pour chaque décor, pour chaque mouvement du récit : Qohen Leth c’est Sam Lowry, Joby c’est Jack Lint, la salle du grand ordinateur central c’est la salle des tortures…
Vous pourriez me rétorquer que c’est le propre d’un auteur que d’avoir des obsessions, des motifs récurrents, que Gilliam fait correspondre ses films sciemment, puisqu’il fait rentrer Zero Theorem dans une logique de triptyque orwellien, avec L’Armée des douze singes. Mais qu’avons-nous à faire d’un auteur qui, au sein de ses thématiques chéries, au lieu d’avancer, de nuancer, de creuser, ne fait que radoter ? Car ici le propos, alors que Gilliam aurait pu inclure de la nouveauté puisqu’il ajoute un élément inédit en prenant en compte les avancées technologiques qui ont eu lieu depuis 1985, ne va ni plus ni moins loin que dans Brazil : la société moderne est totalitaire ; tout lutte est vaine ; la seule solution c’est le repli sur soi, dans l’imaginaire, seul endroit où l’homme peut jouir de sa pleine puissance. De fait on sent que Gilliam a ajouté l’avancée informatique au mélange simplement pour pouvoir dire « Regardez, je reste attentif aux évolutions de la société, mon regard se renouvelle ». Sauf que non, son regard ne se renouvelle pas, tout ce qu’il dit sur notre monde hyper-connecté rentre dans une grille de lecture que Gilliam a établie il y a longtemps, et n’a pas fait bouger depuis. Gilliam a arrêté de chercher, et c’est pour ça que son cinéma périclite.
Zero Theorem, donc, c’est Brazil, mais c’est Brazil en beaucoup moins bien. Là où le film de 85 avait la force de son propos – contre l’apathie capitaliste dénoncée, Gilliam offrait un long-métrage exaltant, dans lequel la morale était soutenue par l’esthétique – Zero Theorem est une œuvre qui pose l’imaginaire comme idéal mais ne propose qu’une parodie d’imagination. Bien sûr, il y a quelques trouvailles efficaces de ci, de là – la mise en scène du travail virtuel, sous forme de jeu vidéo (le héros travaille sur une sorte de Minecraft mathématique), est une proposition ludique pour pallier à l’absence évidente de cinégénie de l’activité informatique (un type concentré devant son ordi… épique). Mais ces trouvailles sont noyées dans la multitude des parti-pris usés et forcés.
J’en tiens pour preuve qu’aucun des acteurs, à l’exception peut-être de Matt Damon, n’a l’air à l’aise dans le film. Mélanie Thierry galère avec le texte anglais et à aucun moment, Gilliam ne songe à préciser que le personnage est étranger pour évacuer ce malaise, Mélanie Thierry galère à tenir son personnage et à aucun moment dans le film, Gilliam ne semble lui donner d’autre indication de jeu que « cambre-toi bien »… Mais le plus symptomatique, c’est que Christoph Waltz lui-même est tout empêtré dans les idées du cinéaste. Il doit notamment se coltiner pendant tout le film des tics de langage impossibles : son personnage reprend sans cesse les autres sur son prénom (« Qohen, Q – no U – O – H – E – N ») et parle à la première personne du pluriel. Il a beau faire tous les efforts du monde, ce sont des cas typiques de fausses bonnes idées, et ça sonne toujours faux ou mécanique. A travers ça, on perce à jour le Gilliam 2014, qui court désespérément derrière le Gilliam 80s – ces gadgets tristounets ne sont qu’un moyen pour le réalisateur de nous montrer que son inventivité et sa loufoquerie ne sont pas éteintes, et c’est d’autant plus sinistre que d’une part ça se voit et d’autre part ça ne marche pas du tout. Gilliam ferait mieux de dépenser son énergie à inventer une nouvelle proposition plutôt qu’à essayer de ressusciter la vieilles.
Zero Theorem est loin d’être le pire film de Gilliam, mais il est loin aussi d’être son meilleur. Le film lasse plus qu’il n’agace, dans la mesure où il ressemble à une vaine tentative d’ado qui aurait vu Brazil et Minority Report à 12 ans, et qui essaierait de les refaire à 13. En ce sens, c’est un film absolument inoffensif et qui garde bien les vaches : au sortir du visionnage, ceux qui supportent toujours Gilliam supporteront toujours Gilliam, ceux qui trouvent qu’il est à sec trouveront encore qu’il est à sec, et ceux qui ne l’ont jamais aimé ne l’aimeront pas plus.
Synopsis
À Londres, dans un futur indéterminé, un informaticien du nom de Qohen Leth vit dans une chapelle réaménagée en lieu d’habitation. Ne sortant de chez lui que pour aller travailler, il essaie tant bien que mal de se couper du monde. Son supérieur, Management, lui confie le projet secret Zero Theorem visant à déterminer si l’existence a un sens…
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