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Filmosaure | October 6, 2017

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2 Comments

Le Mécano de la “General” (1927)

Gibet
  • On August 22, 2013

Review Overview

Note
10

Festin oculaire

Sortie : 1926

Si vous aimez Le Mécano de la « General » de Buster Keaton et Clyde Bruckman, que vous l’avez vu, peut-être revu, et reconnu d’emblée comme un chef d’œuvre impérissable, cet article n’est pas fait pour vous. Je ne cherche pas aujourd’hui à prêcher les convaincus : à partir de leurs authentiques arguments, j’ai tenté de faire un petit manuel pour convertir les réticents, ceux qui, quand je les invite à regarder le film en question, suent abondamment et s’éloignent à reculons en gémissant « c’est par pour moi ça, c’est pas pour moi ! »

« Un film muet ? Je vais m’ennuyer, je n’ai pas l’habitude ! »

Certes, mais aussi habitué qu’on soit au cinéma parlant, il n’est pas exclu qu’on s’ennuie avec lui. C’est donc que le fait qu’on parle ou non dans un film ne va pas réellement déterminer le taux d’ennui. Par ailleurs, à partir du moment où on est habitué au cinéma parlant, on est habitué plus largement au cinéma, et le langage cinématographique n’a pas vraiment muté depuis l’invention du montage dans les années 1910. Autrement dit, Le Mécano de la « General » parle une langue que vous maîtrisez absolument. En outre, la fin des années 1920 est une période où le cinéma est d’une liberté visuelle époustouflante, qui risque d’impressionner quiconque n’a aperçu qu’une ou deux vues Lumière et a décrété à cette occasion que plus jamais il ne verrait de vieux film : on est à cette époque à un sommet du cinéma, le savoir-faire technique est haut, et le son n’a pas encore encombré le dispositif. Le Mécano de la « General » est la quintessence de cette époque magique. A fortiori, je vous conseillerai, à moins que vous ayez l’occasion d’assister à un ciné-concert, de regarder le film en coupant la musique. Il n’est pas aisé de trouver une version du Mécano qui ne soit pas décorée par une musique sirupeuse, imbuvable et répétitive, mise là probablement pour « faire cinéma muet ». Mais n’ayez pas peur ! Vous découvrirez ce faisant un nouveau plaisir, celui de regarder un film qui n’a besoin que de ses images pour raconter une histoire. Une telle pureté, ça vous lave les yeux pour six mois.

le mécano de la general, buster keaton et clyde bruckman, 1927 - photo 2

« J’aime trop la couleur, je ne vais pas réussir à m’intéresser. »

Je suis moi-même un amoureux de la couleur, en particulier des teintes pétaradantes du Technicolor, et il y a effectivement des films où ça me manque. Mais pas dans le Mécano ! D’une part, la photographie est très belle, et le film contient un certain nombre de plans qui, à ce niveau, sont inoubliables. D’autre part, il y a tellement de choses à voir que l’œil est sans cesse sollicité. Le Mécano de la « General » est ni plus ni moins un blockbuster, avec tout ce que ça implique de gros moyens et de spectaculaire. Il contient par exemple ce qui est souvent considéré comme la scène la plus chère du cinéma muet ! Au-delà de cette séquence, on a des tonnes de figurants (et c’est très émouvant de se dire que tous ces gens ont vraiment été là, sur le tournage, et pas générés numériquement par un habile ordinateur), des locomotives qui se poursuivent dans tous les sens, filmées en conditions réelles de déplacement, des travellings latéraux parmi les plus exaltants de toute l’histoire du cinéma – et, surtout, la mise en scène géniale de Keaton, d’une élégance et d’une limpidité exemplaires. Le Mécano de la « General » est certainement le premier grand film d’action de l’Histoire.

 le mécano de la general, buster keaton et clyde bruckman, 1927 - photo 3

 « J’ai vu des Chaplin au lycée, c’est trop cucul. »

Le Mécano de la « General », et ça surprend particulièrement quand on voit à quel point le cinéma hollywoodien aujourd’hui est miné par ceux-là, est totalement dépourvu de bons sentiments. On peut lire de ci de là que Le Mécano est un grand film d’amour : c’est faux. C’est le film le plus dépourvu d’amour qui soit. Il y a en effet un couple, mais tout ce qui s’y passe est motivé par autre chose que de l’amour, le plus souvent de l’orgueil ou une révérence maladroite au devoir de virilité, quand ce n’est pas carrément le plus pur des hasards qui les déchire et les rassemble. À la rigueur, on peut dire qu’il y a une grande histoire d’amour entre le personnage de Keaton et sa locomotive. Encore plus étonnant, il n’y a pas de bravoure dans Le Mécano. Le soi-disant héros se lance dans l’aventure par impulsion (quand on n’a pas conscience du danger, on ne peut pas vraiment parler de courage), et réussit tout ce qu’il entreprend par un vaste tissage d’heureuses coïncidences. C’est sûrement à cause de cette sécheresse d’émotions que le film a fait un bide monumental à sa sortie, mais aussi grâce à ça qu’il vieillit si bien.

 le mécano de la general, buster keaton et clyde bruckman, 1927 - photo 4

« Je ne sais pas où aller pour voir des vieux films. »

Le Mécano de la « General » est un des films les plus faciles à récupérer car il a été prématurément libre de droits. On peut le voir sur Youtube, on peut le downloader facilement, on peut l’acheter pour trois fois rien en DVD… Il suffit de savoir se servir de Google pour le voir ! Le plus compliqué est de trouver une copie correcte, et de s’y retrouver parmi les multiples versions du film, qui a été trois ou quatre fois remonté. Le plus sage est de commencer par la version d’environ 70 minutes, car c’est la plus facile à trouver et à regarder ; vous pourrez vous attaquer aux versions plus longues une fois que vous serez inévitablement conquis par ce premier essai.

Sachez que je tiens tellement à ce que ce film soit vu que je suis prêt à vous envoyer mon DVD personnel par La Poste, à condition que vous vous engagiez à l’envoyer à quelqu’un d’autre qui ne l’a pas vu par la suite, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le monde entier soit sensibilisé à l’œuvre. J’attends vos commentaires !

 Synopsis

Le Mécano de la « General » est un western sans cowboy. Nous sommes aux Ètats-Unis, la Guerre de Sécession éclate et Johnnie Gray, le petit personnage qui donne son nom au film, se voit poser un ultimatum par Anabelle, sa fiancée : elle ne veut plus le voir tant qu’il n’aura pas d’uniforme. Malheureusement, l’armée refuse de l’enrôler.

Comments

  1. Cet article ne s’adressant pas à moi, je vais toutefois m’en servir pour approcher les réticents. Et ça m’a quand même donné envie de le revoir! Je l’aime tellement. merci!

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