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Filmosaure | June 17, 2017

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Jackie (2017)

Stéphanie Valibouse

Review Overview

Note
4

Pesant

Sortie (France) : 1er février 2017

Pablo Larrain fait de la First Lady son héroïne tragique dans une retranscription égocentrée des quelques jours suivant l’assassinat de John F. Kennedy.

L’inconscient collectif associe le nom de Jackie Kennedy à une figure iconique des années 1960 aux Etats-Unis. Celle qui deviendra « Jackie O » en secondes noces a marqué son époque notamment par son élégance, influençant la mode vestimentaire de toute une décennie. Jackie O, we loved her so, chantent les Spice Girls trente ans plus tard, rappelant le rang emblématique de l’ancienne First Lady qui a traversé les frontières et le temps et sous-entendant même qu’elle serait un symbole de libération féminine. La perte de deux de ses enfants, les infidélités de son mari et le drame de Dallas, combinés à son attitude jugée extrêmement digne par le public, contribuent à en faire une Andromaque adorée de tous… jusqu’à son remariage qui la fait tomber en disgrâce, brisant le mythe.

Le portrait d’enfant gâtée proposé par Pablo Larrain et son interprétation puissante par Natalie Portman s’avèreront une cruelle désillusion pour tous ceux qui idéalisaient encore la Jacqueline Kennedy de 1963. De la descente de l’avion à Dallas à la villa de Hyannis Port où elle se retire pour vivre son deuil loin du public, le cinéaste s’applique à dresser un portrait ambivalent, voire insupportable, de la jeune femme. L’image qu’elle s’est créée auprès du monde est déconstruite, révélant une personnalité hautement narcissique, parfois touchante telle une petite fille perdue, la plupart du temps frisant la tyrannie. Lorsqu’elle houspille un entourage fatigué pour mener l’enterrement de son mari comme elle l’entend, on ne sait plus trop si ce sont des caprices d’enfant ou une affirmation courageuse de ses valeurs familiales face à l’Etat.


jackie natalie portman

Natalie Portman en fait-elle trop ? Avant de juger sa performance, il est nécessaire de la comparer à celle de Jackie Kennedy, qui incarnait en réalité un personnage devant les caméras, adoptant notamment cette énonciation feutrée, enfantine et légèrement snob qu’on retrouve chez Portman. Il n’est donc pas si étonnant que l’actrice se retrouve nommée pour une statuette. Quant au spectateur, il en ressort agacé, avec un sentiment de saturation sensorielle. Elle fait trop de manières, c’est indéniable, mais elle n’est pas la seule.

Effectivement, le film entier, représentatif de l’état d’esprit de Jacqueline Kennedy, nous fait vivre une véritable incursion dans son expérience de ces quelques jours macabres. Nous n’existons plus, cannibalisés par le point de vue du personnage principal. A l’image de son titre, Jackie est un film narcissique qui ne vit que par son héroïne. La musique, bien trop présente, impose un poids délétère à l’ensemble, à l’image de ce qu’elle est en train de vivre. Se déteste-t-elle ? A en croire ce que nous vivons à travers ses yeux, c’est en partie le cas, tout du moins pendant cet épisode dramatique. Nous comprenons parfois la douleur intense traversée par la veuve, jugée quoiqu’elle décide, harassée par les journalistes, et contrainte par la Constitution de quitter son foyer à la Maison-Blanche dans les douze heures. Mais Pablo Larrain atteint trop bien son but et parvient presque à nous écœurer de l’expérience à force de trop en faire. Nous sommes dévorés par sa vision trop imposante.

jackie natalie portman larrain

Jackie nous fait aussi ressentir ce qu’a dû ressentir une nation entière lors de ces quelques jours. En assassinant Kennedy, Lee Harvey Oswald détruit aussi, entre autres, l’accession d’un couple présidentiel jeune et charismatique à la Maison-Blanche. Si le Vice-Président Lyndon B. Johnson n’a même pas 10 ans de plus que le défunt, sa femme est de 17 ans l’aînée de Jacqueline Kennedy, et dans les yeux de Jackie, ils paraissent bien plus âgés – et opportunistes. Le contraste est représenté avec tristesse, dans une scène où l’on voit Lady Bird Johnson déjà en pleine discussion pour faire redécorer la Maison-Blanche à quelques mètres de la veuve de 34 ans qui quitte son foyer. Un foyer qu’elle avait d’ailleurs réaménagé elle-même : c’était son grand projet d’embellissement à la Maison-Blanche. Comme si son passage était effacé en quelques jours, et avec lui tout espoir de jeunesse et renouveau dans le pays. Avec Johnson, les Etats-Unis vivent de grandes avancées sociales dont Medicare, mais aussi la guerre du Vietnam, intensément traumatisante pour toute une génération. L’assassinat de John F. Kennedy pourrait avoir incarné la désillusion de tout un peuple et créé une forte nostalgie pour la vie d’avant.

Mrs. Kennedy méritait un film, mais probablement pas uniquement autour de ces quelques jours représentatifs de ce qu’elle avait de pire à offrir. Un film complexe, sombre et ingrat, qu’on admire pour ses choix audacieux, mais qui nous pèse tant qu’on en ressort éreinté. Jackie méritait peut-être qu’on lui laisse un peu du mythe qu’elle avait eu tant de mal à construire. En plus, elle détestait ce surnom.

Synopsis

22 Novembre 1963 : John F. Kennedy, 35ème président des États-Unis, vient d’être assassiné à Dallas. Confrontée à la violence de son deuil, sa veuve, Jacqueline Bouvier Kennedy, First Lady admirée pour son élégance et sa culture, tente d’en surmonter le traumatisme, décidée à mettre en lumière l’héritage politique du président et à célébrer l’homme qu’il fut.

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