Snow Therapy (2015)
Review Overview
Note
9Cette année, le festival Premiers Plans a décidé de mettre à l’honneur le réalisateur Ruben Ostlünd dans une de ses rétrospectives. Au programme, l’intégralité de sa filmographie avec, y compris, son nouveau film, couronné par la sélection Un certain regard à Cannes, Snow Therapy, qui a avant tout la qualité d’être indéfinissable – thriller psychologique ? drame bourgeois ? comédie de mœurs ? film de science-fiction ? Allociné dit « Drame, Comédie » : c’est ne rien dire.
Au début, on se méfie. Les dix premières minutes ont tous les tics du burlesque nordique tel que peuvent le pratiquer par ailleurs des réalisateurs comme Roy Andersson ou Bent Hamer : plans fixes larges et longs, rythme lent et silencieux, froideur jusque dans l’humour, poésie beaucoup trop volontaire. On a déjà vu ça plein de fois, et on n’a pas besoin d’en voir davantage ! Cette proposition formelle au départ originale est aujourd’hui un classicisme, et quiconque la réutilise telle quelle – le jeune norvégien Hallvar Witzo présentait cette année dans la compétition un court-métrage intitulé Yes We Love qui se contentait de ça et ne volait pas loin – fait bailler.
En plus, qu’est-ce que cette forme nous raconte sur son sujet – une très belle famille suédoise en vacances dans les Alpes ? Regardez comme ces gens sont parfaits mais comme au fond ils s’ennuient ! Regardez comme ils ont tout mais comme en fait ils n’ont rien ! L’argent ne ferait donc pas le bonheur ? Merci, on connaît aussi cette chanson, on a lu Bret Easton Ellis, on a vu Cosmopolis… Il en va du fond comme de la forme : totalement acquis, il ne suscite aucun intérêt.
Mais le film très rapidement bifurque, auto-détruit son propre style, son propre ton. À ce propos, si vous ne l’avez pas vu, je vous conseille de ne pas en lire davantage, car le plaisir du visionnage de Snow Therapy réside en bonne partie dans ses ruptures, et je vais en déflorer quelques unes pour la démonstration. À la première occasion, disais-je, Ostlünd casse ce qu’il a posé. Après une succession de plans classiques à la nordique, il va nous filmer une longue plage de dialogues en plans serrés. Et ce n’est pas pour s’imposer une nouvelle routine ! Car la mise en scène dès lors ne va cesser de muter. Cette nouvelle logique du dialogue en plans serrés, il la trahira allégrement par la suite, par exemple en la rompant brutalement, à un moment de ronronnement, par un plan très incisif depuis un hélicoptère téléguidé qui fonce sur les interlocuteurs. Son sérieux un peu froid, de même, il le cassera avec de la vraie comédie – on se marre beaucoup devant Snow Therapy, il faut le préciser ! – du vrai suspense, de la véritable émotion pas du tout froide.
Le film est comme cela, plein de fulgurances inattendues et imprévisibles, et il arrive à tenir le spectacle jusqu’à son dernier plan. Quand Ostlünd filme la station de ski et toute sa mécanique comme s’il était un documentariste en train de découvrir une civilisation extraterrestre, quand il capte les soirées étudiantes comme des rassemblements de garçons à poil qui hurlent de toutes leurs forces en boîte de nuit, on se dit qu’il a quelque chose d’unique à nous proposer. C’est que Snow Therapy n’a pas peur du non-raccord, et cherche sans arrêt la forme idéale pour raconter ce qu’il a à raconter. Si les dix premières minutes choisissent le burlesque nordique, c’est qu’il s’agit de mettre en scène une famille parfaite, qui s’offre des vacances parfaites, dans un décor parfait ; ensuite, comme la famille se délite, le film accompagne la chute.
Snow Therapy n’est pas pour autant un exercice un peu vain de styliste forcené. Grâce à un sens du rythme impeccable et une écriture scientifique – on prend une famille, on les met face à une catastrophe, que se passe-t-il ? – Ostlünd arrive à saisir des tensions rarement aussi justement saisies – une dispute qui se cristallise et empoisonne, une virilité blessée qui se réfugie dans la mauvaise foi et dans la rage. Au sortir de la projection, tant Snow Therapy satisfait à tous les niveaux, on a faim de découvrir toute la filmographie du bonhomme.
Synopsis
Une famille suédoise passe ensemble un parfait séjour dans les Alpes françaises quand lors d’un déjeuner dans un restaurant de montagne, une avalanche vient tout bouleverser.
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