White Bird (2014)
Review Overview
Note
6Et vous, comment réagiriez-vous si votre mère disparaissait du jour au lendemain en ne laissant ni trace, ni explication ? Une question qui ne tarde pas à se poser dès les premières minutes du film. Puis en vient alors une seconde : En imaginant qu’elle soit partie de son plein gré, quelles raisons auraient pu la pousser à prendre une telle décision ? Autant de questions auxquelles Gregg Araki tente de répondre en adaptant le roman de Laura Kasischke, Un oiseau blanc dans le blizzard.
Bien que ce film compte un certain nombre d’acteurs clés, deux se distinguent aisément par leur interprétation et leur rôle respectif. En incarnant une mère totalement désabusée et plongée dans une dépression qui l’amène à toucher du doigt une folie latente, Eva Green nous donne une fois de plus une claque qui nous ferait presque tendre l’autre joue. Quant à Shailene Woodley, elle se montre tout à fait remarquable en adolescente perturbée en quête d’identité, qui au-delà de se chercher dans cette période de la vie où l’ingratitude est reine, cherche également à résoudre des énigmes qui la dépassent complètement.
White Bird évoque en partie une thématique qui a pu marquer les écrans à plusieurs reprises : celle du rêve américain qui cache un profond désarroi que subirent un bon nombre de femmes à partir des années 50. Non sans rappeler – en plus soft – le personnage de Julianne Moore dans The Hours, Eva Green a en apparence tout pour elle: elle est belle, intelligente, mariée à un homme séduisant, qui a réussi et lui permet de vivre à l’abri du besoin dans une belle résidence pavillonnaire. Là où ce portrait en ferait fuir plus d’une aujourd’hui, il en était tout autre à l’époque. Du moins en apparence. Car ce vide immense ronge progressivement, tout comme cette inertie quotidienne aux allures d’Un jour sans fin, tandis que le temps poursuit sa route implacable. Le personnage d’Eva Green en est une belle illustration, et n’a alors que sa beauté pour exister, une beauté qui s’épuise peu à peu, tandis qu’elle voit en sa fille la jeunesse et ce souffle de vie qui lui manquent tant. Un phénomène qui explique la relation si particulière, pour ne pas dire malsaine qui unit les deux femmes. L’envie et la jalousie prennent le pas sur l’instinct maternel face à cette soif de découverte propre à l’adolescence.
Là où le schéma classique tend à montrer que l’adolescent peine à trouver sa place face aux adultes et à ses parents, ici l’inverse se produit. Une mère se retrouve dans l’ombre de sa fille à son insu le plus total. Quant aux personnages masculins, bien que leur rôle soit respectivement déterminants, ces derniers apparaissent comme passifs pour ne pas dire faibles. Une chose est sûre : Les femmes sont à l’honneur dans ce film. Adapter une œuvre littéraire au cinéma est toujours chose délicate. Les critiques sont souvent acerbes et connaissent rarement de juste milieu. Les puristes de l’auteur attendront une adaptation des plus fidèles au risque de susciter une déception proche du sacrilège. Tandis que d’autres espéreront au contraire que le réalisateur s’approprie l’œuvre originale pour y apporter sa patte, cette petite valeur ajoutée qui fera la différence. Gregg Araki a choisi de rejoindre ce second camp en nous proposant une version très personnelle.
Cette personnalisation s’exprime notamment à travers la mise en scène, Gregg Araki ayant opté pour un style quasi lynchien. Outre une histoire découpée en deux périodes précises – l’automne/hiver 1988 marquant les premiers temps suivant la disparition d’Eva Green, et l’été 1991 – le réalisateur a choisi d’intégrer un fondu noir entre chaque scène clé. Un acte qui marque sans doute une volonté de laisser au public un bref instant de libre interprétation et de questionnement. A saluer également la performance d’Araki qui parvient avec une subtile justesse à retranscrire cette atmosphère si particulière propre aux années 80. Une liberté et une légèreté empreinte d’une douce mélancolie joliment illustrée par une lenteur palpable et une bande originale propice à l’évasion (un merci au passage à Araki pour avoir remis This Mortal Coil et Cocteau Twins au goût du jour).
Malgré une fin un peu trop attendue qui tend à fragiliser une finesse générale, White Bird est un film réussi, qui interpelle, interroge et plonge le spectateur dans une ambiance très particulière, hors du temps. Une sorte de bulle dans laquelle on éprouve de l’empathie pour les personnages, et un questionnement qui reste présent jusqu’au dénouement final. Même si certains l’assimileront à un thriller, White Bird n’en est pas un. White Bird est un drame familial qui nous offre de le vivre à travers le regard de personnages si différents et pourtant si proches.
Synopsis
Kat Connors a 17 ans lorsque sa mère disparaît sans laisser de trace. Alors qu’elle découvre au même moment sa sexualité, Kat semble à peine troublée par cette absence et ne paraît pas en vouloir à son père, un homme effacé. Mais peu à peu, ses nuits peuplées de rêves vont l’affecter profondément et l’amener à s’interroger sur elle-même et sur les raisons véritables de la disparition de sa mère…
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