Mademoiselle Julie (2014)
Review Overview
Note
5Colin Farrell et Jessica Chastain, éblouissants, redonnent un peu de flamme à cette énième adaptation de la pièce de Strindberg, trop académique pour réellement émerveiller.
A la fin des années 1800, Strindberg, dramaturge suédois, se retrouve face à deux phénomènes le faisant vivement réagir : l’exploitation de la classe ouvrière de son pays par les nantis, et les groupes féministes de l’époque dénonçant le confinement de la femme à la sphère domestique, auxquels il est opposé. Strindberg refuse de se faire porte-parole d’une cause en particulier mais imprègne son oeuvre de ses thématiques qui le hantent.
La nostalgie de Liv Ullmann lui joue des tours, et sa volonté de s’attaquer à tout prix à la pièce ayant habité son enfance transparaît dans une mise en scène théâtrale et figée, jusqu’aux quelques notes de piano faisant office de rupture entre les scènes. L’ancienne égérie d’Ingmar Bergman tente de nous délivrer de l’atmosphère viciée de ce huis clos en apportant quelques passages en extérieur, en forêt, fort bienvenus. Mais ces courts intermèdes brisant l’unité de lieu ne suffisent pas à nous ôter le sentiment d’être devant une simple pièce de théâtre.
De simples et beaux décors habillent les quelques pièces où se déroule l’action, qu’on imagine cependant correspondre à différentes scènes : Acte 1 : la cuisine. Acte 2, scène X : la chambre. Acte 2, Scène Y : la cuisine à nouveau… Un irritant sentiment de vide demeure pour l’intégralité de l’œuvre, comme s’il lui manquait quelque chose pour grandir et devenir un objet cinématographique. De la fluidité, peut-être; ou une bande originale plus travaillée – sortis de là, on en a soupé des Nocturnes de Schubert, entendues à de nombreuses reprises. Un parti pris pourtant revendiqué par la réalisatrice qui y voit un hommage à ses maîtres cinéastes, et qui reproche aux oeuvres contemporaines leur “montage saccadé”.
Mais si on tend s’impatienter parfois d’une mise en scène aussi fade, on doit aussi accorder à Mademoiselle Julie une photographie agréable – et spécialement lors des scènes en extérieur qui revêtent une certaine magie – et surtout, un prodigieux duo d’acteurs. Samantha Morton incarne une Kathelyn pleine de simplicité et touchante, mais ce sont réellement les personnages de Julie et John qui occupent la majorité de l’intrigue. Colin Farrell, qu’on connaît grâce à des rôles plus ou moins glorieux, s’est rarement illustré ainsi : nerveux, passionné, il donne la réplique avec une énergie impressionnante et un accent irlandais à se damner. Face à lui, une Jessica Chastain névrosée sombre peu à peu, lumineuse dans sa déchéance. Une impressionnante alchimie réside entre les deux acteurs, grondant tout d’abord dans les provocations de la jeune maîtresse de maison, explosant lorsque le rapport de force s’inverse plusieurs fois. Sous les yeux de Kathelyn, fiancée de John, les deux héros se cherchent et se déchirent, fluctuant entre amour, désir et orgueil.
On repense à La Vénus à la fourrure de Polanski, brouillant les rapports entre dominant et dominé jusqu’à échanger les rôles ; mais dans Mademoiselle Julie, rien n’est aussi simple, et l’ambigüité subsiste en permanence. La modernité de l’écriture de Strindberg transparaît jusqu’à aujourd’hui, que ce soit dans l’écriture ou les thèmes abordés. La norme sociale vole en éclat ; le féminisme se glisse dans les mots de Strindberg qui a paradoxalement fait de Mademoiselle Julie une porte-parole du mouvement qu’il critiquait.
En définitive, il est bien dommage que Liv Ullmann ait choisi d’insuffler si peu de vie à son adaptation. On aimerait aimer Mademoiselle Julie comme on aime ses personnages.
Synopsis
1890, Irlande. Tandis que tout le monde célèbre la nuit des feux de la Saint Jean, Mademoiselle Julie et John, le valet de son père, se charment, se jaugent et se manipulent sous les yeux de Kathleen, la cuisinière du baron, jeune fiancée de John. Ce dernier convoite depuis de nombreuses années la comtesse voyant en elle un moyen de monter dans l’échelle sociale.
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