Des Fleurs pour Algernon (2014)
Review Overview
Note
8Cet été, du 19 juin au 7 août, tous les jeudis, Arte propose une alléchante Collection Théâtre. Au programme, des captations évidemment, mais aussi et surtout des créations et recréations de mises en scène récentes par quelques uns de nos cinéastes les plus intéressants – dans un dispositif de production similaire à celui du Système de Ponzi par Dante Desarthe, c’est Yves Angelo qui proposait Des Fleurs pour Algernon en troisième semaine, adaptation filmique de l’adaptation scénique du célèbre roman de science-fiction de Daniel Keyes.
Premier atout du film : Angelo opère un travail de captation précieux. Grégory Gadebois, acteur principal et unique de Des Fleurs pour Algernon, est rare au cinéma. Généralement, il n’est pas dans les films (notons dans la marge que beaucoup de gens ne sont pas dans les films – la majorité des gens, à vrai dire), mais quand il est dans les films, on lui file des seconds rôles oubliables – la preuve de leur oubliabilité étant que ces seconds rôles sont aussitôt oubliés. Faites le test avec moi : on jette un œil à la filmographie de Gadebois ; on compte le nombre de films qu’on a vu parmi cette filmographie (moi c’est 4) ; on compte dans combien de ces films on arrive à se souvenir de ses apparitions (moi c’est 0). Pourtant, parmi ces quatre films, il y a Gainsbourg, vie héroïque, film que sans passion profonde, j’ai dû voir une dizaine de fois, par révérence envers le sujet. Dans la distribution, on lit que Gadebois joue Phyphy. Ça ne m’évoque rien du tout, même pas un début de contour de souvenir, même pas une image floue si floue que je ne saurais plus si je l’ai vraiment vue un jour ou si c’est moi qui l’ai inventée pour satisfaire à ma quête. Quand on voit avec quelle maîtrise Grégory Gadebois s’empare du rôle de Des Fleurs pour Algernon, on se dit que c’est criminel de ne l’avoir jamais mieux employé auparavant au cinéma.
Mais voilà aussi le paradoxe : il se pourrait que sa performance dans le film frappe autant car il est vierge de tout antécédent à nos yeux. Je me suis laissé d’autant plus embarquer par le récit que pour incarner cet anonyme arraché tout à coup à l’anonymat, j’avais face à moi un authentique inconnu, et d’autant plus encore que cet authentique inconnu avait le profil parfait pour le job. On y croit en ce Charlie simplet, car Gadebois a le corps gros, la respiration lourde, les yeux grands et les joues bonhommes qui rougissent vite. J’ai l’impression que des corps comme ça, je peux vraiment en croiser dans les contextes décrits par le film – en train de nettoyer des toilettes d’entreprise, en train de se faire humilier par un groupe hilare au bar. Le parfait contraire de ça, pour prendre un exemple récent, c’est Jean-Pierre Darroussin et Isabelle Huppert qui jouent des agriculteurs cauchois dans La Ritournelle de Marc Fitoussi – le film a ses charmes, mais il faut faire un effort considérable pour accepter que ces deux vedettes toutes apprêtées sont des petites gens avec des problèmes de petites gens. Attention, je ne suis pas en train de dire que Grégory Gadebois a une tête de con ! Cela relève aussi d’un travail de composition, dans la mesure où l’acteur gère sans plus de problème l’autre moitié – brillante – de son personnage.
Si Yves Angelo n’a pas le mérite de la découverte, Gadebois ayant déjà longuement étrenné le rôle sur scène, il a celui de faire reposer le film sur et seulement sur la performance de l’acteur. Un cinéaste moins habile aurait cherché à échapper au monologue, soit en l’annulant totalement et en mettant en scène directement l’histoire ici rapportée à l’indirect, soit en surlignant la parole par mille illustrations, quitte à tomber dans la redondance, et à prendre le spectateur pour un crétin.
Déjà, c’est un parti-pris qui rend très bien justice aux inventions des textes. Dans le roman, et par extension dans la pièce, qui prennent la forme de journaux intimes, toute l’action nous est rapportée lors de temps morts. Le film, en ne cherchant pas à filmer autre chose que son personnage unique dans ces temps morts, donne l’agréable impression de voir un documentaire sur un sujet d’expérimentation qu’on viendrait interviewer à chaque fois qu’il est seul – y compris lorsque la dame avec laquelle il dîne est partie aux toilettes. Mais, surtout, la proposition d’Angelo forme une réponse solide et inattaquable à tous ceux qui se posent encore la question du « comment filmer le texte ? comment filmer le théâtre ? ». C’est simple : faites confiance au théâtre. Il n’y a besoin de rien d’autre que d’un acteur vivant et d’un bon texte pour faire un film valable.
C’est excitant de voir que la Collection Théâtre d’Arte donne lieu à une façon de filmer le monologue théâtral à la fois si directe et si poétique. Je pense qu’il y a dans Des Fleurs pour Algernon quelques leçons de cinéma à tirer.
Synopsis
Cœur simple et soucieux de bien faire, Charlie a en commun avec la souris Algernon le niveau de son QI : 68. Choisi en raison de sa motivation, ce modeste employé d’usine va participer à la même expérience scientifique que l’animal, visant à déployer leurs capacités intellectuelles.
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