Top 10 films : Gibet
1 – Fenêtre sur Cour, Alfred Hitchcock, 1954
Comme j’avais tenté de l’expliquer dans ma critique de février, Fenêtre sur Cour est le film qui satisfait au mieux toutes les parties de mon corps – à la fois mon cerveau par sa réflexion très dense sur le cinéma, mes nerfs et mon cœur par sa science du récit, et d’autres endroits que « rigoureusement ma mère m’a défendu de nommer ici » par la mise en valeur ultime de Grace Kelly. Jusqu’alors, aucun autre film n’a eu sur moi cette toute-puissance.
2 – La Party, Blake Edwards, 1969
On a écrit plein de théories sur le supposé propos politique du film : ce serait la mise en crise des États-Unis par le tiers-monde, d’Hollywood par Bollywood, le premier triomphe des soixante-huitards contre la norme bourgeoise capitaliste – ça m’importe peu. J’aime La Party car c’est un des films les plus drôles de tous les temps, que le duo Peter Sellers / Blake Edwards est au top de sa forme, et que le comique de destruction me fait plus que tout jubiler.
3 – Sept ans de réflexion, Billy Wilder, 1953
Comme vous le savez si vous lisez mon blog personnel, Marilyn Monroe me fascine. Et Sept ans de réflexion est un temple à sa gloire. Je pensais de prime abord mettre à cette place Certains l’aiment chaud, mais après revisionnage des deux métrages, j’ai pu constater que c’était Sept ans de réflexion qui me séduisait le plus, pour la raison déjà invoquée. Si Certains l’aiment chaud a plus d’ampleur, Marilyn Monroe s’y coltine un rôle difficile à avaler (en qui elle-même ne croyait pas) et ne semble parfois être là que pour servir la soupe à Curtis et Lemmon. J’ai par ailleurs trouvé l’angle parfait pour apprécier Sept ans de réflexion qui, sans cela, pourrait paraître un peu trop théâtral : il suffit de se dire qu’absolument tout ce qui s’y passe a lieu dans l’esprit du personnage principal.
4 – À bout de souffle, Jean-Luc Godard, 1960
Quand j’ai découvert À bout de souffle au lycée, j’ai été surpris car je m’attendais à un cinéma beaucoup plus douloureux, beaucoup plus conceptuel, beaucoup moins teigneux et rigolard. J’étais surpris de rire avec Godard ! Surpris de m’émouvoir, d’y prendre du plaisir, surpris de constater que la destruction de la magie construit immédiatement une autre magie. Aujourd’hui, j’ai dû le revoir une dizaine de fois, dans des conditions très différentes (souvent pour le faire découvrir à d’autres gens), et je l’aime à chaque fois davantage, et d’autant plus que je sais précisément désormais à quel cinéma la Nouvelle Vague s’opposait. Il y a surtout dans À bout de souffle la meilleure punchline de l’univers, lancée directement dans la face du spectateur par un Belmondo nonchalant : « Si vous n’aimez pas la mer, si vous n’aimez pas la montagne, si vous n’aimez pas la ville… allez vous faire foutre ! »
5 – Poultrygeist: Night of the Chicken Dead, Lloyd Kaufman, 2006
Truffaut écrivait, pour défendre Roman d’un tricheur de Guitry (je cite de mémoire) : « Ce film est un chef-d’oeuvre dans la mesure où il prend un parti et va au bout de ce parti. » On pourrait dire la même chose de Poultrygeist, le meilleur film de Lloyd Kaufman et de sa firme Troma, puisqu’il arrive à faire, après plusieurs décennies de tentatives pas toujours heureuses, un parfait joyau de satire régressive gore trash cartoon. Bien sûr, je ne montrerais pas ce film à ma mère, mais je le conseille à quiconque aime les films de ce type. C’est imbattable. (Et pour en lire une critique plus précise, je vous renvoie une fois de plus sur mon blog personnel).
6 – Les Demoiselles de Rochefort, Jacques Demy, 1967
J’ai déjà parlé ici de mon amour pour Les Parapluies de Cherbourg, mais c’est, de la filmographie de Jacques Demy, Les Demoiselles de Rochefort que je préfère, et en grande partie parce qu’il est léger et gai (comme le montre assez bien ce top, si vous me donnez le choix entre rire ou pleurer, je choisirais rire). Comme dans Les Parapluies, Demy mêle le plus pur cinéma et le travail du réel pour, et ça, ça n’est pas comme dans Les Parapluies, former un chassé-croisé d’une précision ludique et surhumaine (c’est typiquement le genre de films qu’on peut revoir des centaines de fois en y découvrant toujours de nouvelles choses). Entre nous, vous pensez que Maxence il trouve Delphine à la fin ou pas ?
7 – Le Mécano de la « General », Buster Keaton et Clyde Bruckman, 1927
Aucun film ne sait mieux montrer que celui-ci la filiation évidente entre le cinéma burlesque et le cinéma d’action. Je l’aime d’autant plus que, comme j’explique dans ma critique de la semaine dernière, il écarte tout le sentimentalisme souvent écoeurant des blockbusters hollywoodiens d’aujourd’hui et des autres cinéastes burlesques de l’époque.
8 – La Soupe au canard, Leo McCarey, 1933
Les Marx Brothers ont une filmographie très très inégale (j’ai récemment vu Panique à l’Hôtel où les trois acolytes s’ennuient et nous ennuient dans une intrigue de mauvais vaudeville pas écrite pour eux), mais elle contient, si on trie, quelques bijoux. La Soupe au canard, c’est même mieux qu’un bijou. C’est une parure de diamants, traînée dans la boue. La mise en scène de McCarey est au mieux neutre au pire maladroite mais la déferlante de gags et la frénésie verbale et corporelle des Marx Brothers sont telles qu’on ne s’ennuie pas une seule seconde : on rit, on encaisse, on savoure. Vive les Marx Brothers, quand ils décident de tout anéantir sur leur passage !
9 – L’aventure c’est l’aventure, Claude Lelouch, 1972
Je n’ai rien à faire du cinéma de Claude Lelouch, mais L’aventure c’est l’aventure est une exception dans sa filmographie globalement niaise. Ce film forme, avec sa bande de pieds nickelés (Lino Ventura, Jacques Brel, Aldo Maccione, Charles Denner, Charles Gérard, tous les cinq s’adonnant à la roue libre avec une joie et une rage communicatives), un sommet de cynisme triomphant. À côté de cela, c’est le seul film où vous pourrez voir Lino Ventura s’amuser. Rien que ça, ça vaut le détour. À noter aussi l’apparition de Johnny Hallyday dans son propre rôle, qui tente timidement l’autodérision, notamment avec une chanson originale aux paroles soit tautologiques (« L’aventure c’est l’aventure / L’aventure c’est l’aventure ») soit fumeuses (« L’aventure c’est l’aventure / Elle est pareille à l’amour »).
10 – Parle avec elle, Pedro Almodovar, 2002
Avec Almodovar, j’ai appris, dès le collège, ce que ça pouvait être « la mise en scène ». Et je me souviens très précisément du moment où je l’ai compris : dans Parle avec elle, Benigno et Marco deviennent lentement amis ; au bout de ce processus, il y a un instant de communion qu’Almodovar filme en faisant se confondre, par un jeu sophistiqué de vitres et de lumières, leurs deux reflets. Ça fait quelques années que je n’ai pas revu ce film, et il est probable que je ne l’aime plus aujourd’hui, mais j’ai décidé de lui faire une petite place dans ce Top 10 car il a joué un rôle primordial dans la formation de ma sensibilité et de mes goûts.
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