Journée de la femme (2011)
Review Overview
Note
5Dans sa section Fokus, le festival À l’Est, du nouveau propose cette année de s’attarder sur le sort des femmes en Pologne et République tchèque. La Journée de la femme de Maria Sadowska, prix du Meilleur Film 2012 au Filmfestival Cottbus, ouvre la section.
On voit immédiatement dans quelle tradition cinématographique le film s’inscrit. On pense à Laurent Cantet, aux frères Dardenne, et encore plus à Ken Loach. On est dans de la fiction sociale, donc, dont le but est évidemment de porter un regard critique sur les mécanismes de notre système – ici Maria Sadowska met l’accent sur la manière dont le capitalisme aliène les individus pour qu’ils deviennent les parfaits outils de la productivité, avec une incitation finale à la rébellion.
Le dispositif, sans surprise, tend vers le documentaire : caméra à l’épaule, lumière et étalonnage relativement bruts, pas d’effets grandiloquents… Toute l’esthétique est anti-spectaculaire, neutre, pour donner l’impression que la caméra ne fait que capter une réalité qui se déploie naturellement devant son prisme, et sur laquelle elle n’agit pas. Ce dispositif fonctionne parfois très bien. Que l’on songe à Entre les murs : l’effet de réel est sidérant, et je crois que si on avait mis une caméra dans mes classes de collège, on aurait eu quelque chose d’assez similaire. Mais dans Entre les murs, la réalisation documentaire va avec un contenu documentaire. Le film a été fabriqué avec de véritables collégiens, à partir d’improvisations. Trois caméras étaient dans la salle de classe, principal décor du film – deux pour capter l’échange principal, et une pour attraper au vol les petites réactions improvisées des autres élèves. Dans La Journée de la femme, le dispositif documentaire tourne à vide.
Le scénario de La Journée de la femme est très écrit et on ne croit pas une seule seconde à la « réalité » dénoncée. Par exemple, les directeurs de la firme sont extrêmement méchants et/ou extrêmement ridicules. Les uns n’ont que le mot « productivité » à la bouche et enragent dès que Halina propose une idée qui va un peu dans le sens contraire, les autres sont puérils et déconnectés de la réalité. Le pire étant que ces directeurs, dans la seconde partie, mettent en place un tel système de dissuasion (agents qui suivent Halina, voitures brûlées, faux témoins…) qu’on se croirait dans un film d’espionnage. L’objet est contre-productif puisqu’on ne sait plus ce qui relève effectivement d’un fait réel que la réalisatrice a choisi d’incorporer dans son film, ou si c’est simplement un élément d’emphase pour nous rappeler à quel point le capitalisme est monstrueux. Car de l’emphase, il y en a bel et bien. Qu’on étudie par exemple le maquillage d’Halina : il est surtravaillé afin d’accentuer sa fatigue quand elle est censée être dépassée par les évènements, et d’accentuer sa beauté quand elle s’en sort. Devant cette Journée de la femme qui oscille entre thriller psychologique et satire – dans les deux cas, c’est artificiel – il est impossible de s’indigner : ce n’est, après tout, que du cinéma. Quand Halina, à la fin, lance un regard à la caméra, comme pour dire « Et toi ? Quand vas-tu agir ? », on hausse les épaules car rien de ce qu’elle n’a vécu n’a de résonance dans le réel.
À un moment, la fille d’Halina, qui est accro aux MMORPG, révèle à sa mère qu’elle a gagné un gros paquet d’argent grâce à ces jeux. Sa mère lui demande de lui expliquer comment elle a fait. La fille se contente de lui montrer son avatar virtuel et de lui faire l’inventaire de ses caractéristiques (« elle a 3000 XP ! »). Je ne sais pas comment fonctionnent les supermarchés en Pologne, mais je sais à peu près comment fonctionnent les MMORPG : on ne gagne pas d’argent simplement en ayant un avatar cool et puissant. Il est effectivement possible de s’emplir les poches par le biais de ces jeux, mais il faut par exemple débloquer des artefacts et les revendre, ou même directement vendre son personnage. La Journée de la femme reste totalement vague à ce sujet. On dirait que les billets sont tomb��s comme par magie dans la poche de la gamine, que le Dieu Internet a dit « Bravo, tu as bien joué à ton jeu, voilà ton salaire ! » Quand on constate avec quelle confusion cette thématique est traitée, on se dit que la restitution de cette autre réalité qu’est la vie des caissières ne doit pas vraiment avoir de substance non plus.
La Journée de la femme se sauve de la catastrophe en étant finalement assez efficace dans son récit – on a réellement envie qu’Haline triomphe – mais échoue dans son dessein originel. Un semi-échec.
Synopsis
Halina est caissière dans la firme de supermarchés Le Papillon. Du jour au lendemain, on la promeut : elle sera désormais responsable de son magasin. D’abord heureuse, elle comprend rapidement les affreux compromis que ce nouveau poste implique.
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