La fille à la casquette (1963)
Review Overview
Note
6Cette année, l’affiche du Festival de Cannes met à l’honneur La fille à la casquette de Melville Shavelson. Profitons-en pour découvrir ce film méconnu !
La fille à la casquette est un film qu’on prend plaisir à regarder. Shavelson, à la fois producteur, scénariste et réalisateur du film, offre à son joli casting un terrain de jeu à sa hauteur – tout le monde, des têtes d’affiche aux seconds rôles minuscules, a l’air de s’amuser et, évidemment, c’est communicatif. Le film bénéficie surtout, en guise de locomotive, d’un Paul Newman visiblement heureux d’être là. Newman se donne tout entier dans ce rôle de séducteur indolent et est responsable des meilleurs moments de l’oeuvre.
La mise en scène, sans être révolutionnaire, a au moins le mérite d’être rythmé, fluide et colorée. Shavelson ponctue son récit de mises en image des fantasmes des personnages (si Sam pense à Steve alors que quelqu’un d’autre lui parle, Steve prend, à l’image, la place de l’interlocuteur ; quand Steve raconte une de ses histoires rocambolesques, l’histoire est directement montrée) qui, pour la plupart, sont assez amusantes pour qu’on excuse leur lourdeur occasionnelle. En revanche, difficile de pardonner des effets tels que ceux que Shavelson s’autorise en introduction – il met par exemple des bruitages animaux sur des images de ménagères se ruant dans un magasin au début des soldes. C’est facile, condescendant et ça n’apporte rien à la satire. Le film s’adresse avant tout aux bons petits américains middle-class : les assimiler à des boeufs, c’est clairement cracher dans la soupe.
Mais revenons-en aux points positifs : les dialogues sont généralement, en accord total avec la tradition de la screwball comedy, savoureux. Je n’ai pas de meilleur argument, à ce niveau, que ces deux citations :
« En plus, M. Chalmers, c’est de votre faute. Vous vous souvenez de cette fête de bienvenue chez vous ? C’est là que j’ai rencontré cette blonde. Pour être tout à fait honnête, je n’ai même pas retenu son nom.
– Mme Chalmers.
– Ah. Je ne sais pas quoi dire. Le monde est petit ? »
« Je ne veux pas être une semi-vierge pour toujours.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– C’est pire que rien. C’est comme manger une seule cacahuète. »
Le choix de La fille à la casquette pour incarner cette année le Festival de Cannes fait rapidement sens quand on le voit. Le film est en grande partie un fantasme américain sur la vie française. Quoi de mieux pour représenter ce festival hexagonal à l’ampleur internationale ?
La fille à la casquette, ainsi, n’esquive aucun des poncifs du folklore français. On a le droit aux baguettes de pain, aux tours Eiffel, à Maurice Chevalier. Dans l’avion, on commande du foie gras. Les bouts de phrases françaises prononcées avec un délicieux accent anglais (et inversement) sont légion. Paris est peint comme la ville du chic et du sexy – tandis que Sam décortique les défilés de mode, Steve arpente les boîtes de strip-tease – si bien que le film a parfois l’air d’être un long catalogue animé (on a même les références dans le générique d’ouverture pour savoir où acheter chaque vêtement !). Paris, pour compléter la liste des stéréotypes, est aussi la ville de l’Amour. On le dira mille fois dans le métrage : ne pas avoir de jules à New York, ça passe, mais ne pas en avoir à Paris ! C’est la honte ultime ! « Ce n’est pas une ville, ce sont des kilomètres de philtre d’amour ! Une fille doit savoir en tirer avantage. »
Cet aspect, cependant, ne plombe jamais le film car le tout est mené avec légèreté. Le film s’apparente moins au Moulin Rouge de Baz Lhurman qu’à Un Américain à Paris de Vincente Minnelli. La magie, finalement, parvient à nous saisir par la diagonale : à l’intérêt exotique – on filme les français pour les spectateurs américains – se substitue aujourd’hui un intérêt historique – on filme les 60s pour les spectateurs des 2010s.
Tout ça, a priori, ça devrait donner un très bon film. Malheureusement, l’écriture est à la ramasse. Le minimum qu’un scénariste puisse faire dans une comédie romantique, c’est de faire évoluer ses personnages avec cohérence. Ici, à aucun moment, le film n’essaie de justifier pourquoi Steve s’attache à Sam plus qu’à l’une de ses 3000 autres conquêtes. Elle n’est ni plus belle, ni plus drôle, ni plus intéressante. Son affection tombe comme un cheveu sur la soupe au moment où ça arrange Shavelson : impossible de s’intéresser dès lors au personnage. Encore pire : Sam, qui est la « fille à la casquette » du titre, s’habille de manière masculine pendant une petite portion du film. C’est un choix qui a l’air délibéré et assumé. Elle ne veut pas se plier à ce qu’on attend des femmes à cette époque. Mais au premier bellâtre venu, elle craque et va prier Sainte Catherine pour qu’elle lui donne un mari ! Ça rend son attitude absolument superficielle. Son look n’était pas celui d’une révoltée mais celui d’une vieille fille qui n’attendait que d’être décoincée pour venir rejoindre le rang des housewives.
En version originale, le film s’appelle A New Kind of Love – c’est particulièrement malhonnête. L’amour que nous décrit Shavelson n’a rien de moderne. Steve et Sam, même s’ils se trouvent par des détours scabreux, tendent vers un idéal conventionnel. La vision de l’homme et de l’amour de Shavelson est, finalement, très ennuyeuse.
La fille à la casquette est un film anodin qui vous fera passer un moment sympathique mais oubliable.
Synopsis
Steve Sherman, journaliste sportif, exaspère son patron par ses excès lubriques. Celui-ci, pour s’en débarrasser, l’envoie à Paris. Sam, garçonne dont le travail consiste à plagier les créations haute couture pour en faire des copies à bas prix, est également, pour mettre à jour ses travaux, envoyée dans la capitale française.
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