La ligne rouge (1998)
Ma note : 5/10
À la merveille sort aujourd’hui au cinéma : je n’irai pas le voir. La découverte de La Ligne rouge m’a confirmé ce que The Tree of Life ne m’avait fait que supposer. Je n’aime pas Terrence Malick.
SYNOPSIS
En 1942, en pleine Seconde Guerre Mondiale, les Américains débarquent sur l’île de Guadalcanal occupée par les Japonais afin d’en reprendre possession.
CRITIQUE
Terrence Malick a un réel tact pour la mise en scène, on ne peut pas lui enlever ça. Même les plus virulents détracteurs de The Tree of Life concèdent qu’à certains moments, on a de très beaux plans, de très beaux raccords… Dans La Ligne rouge, à partir de l’instant où nos petits soldats prennent la colline d’assaut jusqu’à l’entrée dans le village, la réalisation de Malick est puissante. On est avec ces pauvres types enrôlés au hasard, dans la confusion, le désordre – l’invisibilité de l’ennemi, les herbes hautes à perte de vue, les raccords tardifs (si un soldat tire sur quelqu’un hors champ, le raccord n’est pas immédiat, il y a une latence, la caméra n’est pas omnisciente) sont autant de procédés qui nous font coller au point de vue de ces êtres fragiles. À ce titre, je ne pense pas – et croyez-moi, j’ai été surpris de constater la qualité des scènes d’action – qu’on puisse réellement faire mieux que La Ligne rouge dans la mise en scène de la guerre. C’est tout simplement efficace et ça dit toute l’absurdité que Malick souhaite pointer du doigt sans un mot.
Malick opère aussi un glissement assez sain dans la vision habituelle qu’on a de l’héroïsme. Rappelons que la même année Spielberg sortait un Il faut sauver le soldat Ryan spectaculaire mais idiot et que trois ans plus tard Bay pondait un Pearl Harbor idiot lui aussi mais même pas spectaculaire. Dans ces deux films, les protagonistes guerriers sont de bons patriotes dont les vagues instants de doutes ne sont montrés que pour valoriser davantage le moment où ils iront casser la gueule des méchants. Dans La Ligne rouge, il n’y a quasiment que du doute et il n’y a pas de méchant. Ce n’est pas le moment où on tue un japonais qui est glorieux. Le personnage qui accomplit le meurtre n’affiche aucune satisfaction, il est crispé, il fait le boulot et c’est tout. Quelles images de l’héroïsme Malick substitue à celle-là ? Le sergent Welsh qui traverse le champ de bataille pour accompagner un soldat dans la mort. Le capitaine Staros qui refuse d’obéir à un ordre insensé qui tuerait tous ses hommes. Le soldat Witt qui se sacrifie naturellement, sans qu’on lui demande, sans chercher à lutter. Je vois venir les anti-Malick : c’est de la grosse imagerie chrétienne bon marché, le soldat Witt c’est Jésus, etc. Il est très probable, effectivement, que dans l’imaginaire de Malick, ces gestes aient une résonance religieuse. Mais libre à vous d’imaginer que ce sont purement de beaux gestes qu’il est judicieux de mettre en valeur.
Mais les anti-Malick auront soulevé un point crucial : La Ligne rouge souffre bel et bien du fait qu’il est difficile d’adhérer totalement à l’imaginaire de Malick. Terrence Malick a une sensibilité toute mystique, toute en phase avec la nature, qu’il contemple serein, les yeux mi-clos. Voici les interrogations qui ouvrent le film : « Quelle est cette guerre au coeur de la nature ? Pourquoi la nature rivalise-t-elle avec elle-même ? Pourquoi la terre affronte-t-elle la mer ? La nature renferme-t-elle une force vengeresse ? » Si ce sont réellement les questionnements qui agitent l’âme torturée de Malick, qu’il vienne me parler deux minutes. Je le soulagerai en lui apprenant que ces questions ne se posent plus depuis que – il y a de cela quelques années – nous sommes sortis de la préhistoire. Ce sont des problématiques qui m’ennuient profondément et, quand l’ennui est trop intense, qui m’agacent. Ce n’est pas bon du tout quand le film essaie de prendre de la hauteur et de dire, en ce sens, que cette peinture de la guerre vaut pour l’existence en général.
Cela dit, je pourrais tout à fait tolérer cette vision du monde si Malick n’avait pas une façon aussi lourdingue de nous y faire accéder. Bien souvent, là où les images disent déjà tout, Malick rajoute une couche de musique illustrative et une couche de voix-off explicative. Le pire étant dans la partie du film que j’ai délimitée tout à l’heure (car elle n’est pas parfaite non plus !) : Malick, entre autres, incorpore un personnage de soldat fou qui, entre deux échanges de tirs, nous enseigne que « Nous ne sommes que poussière ! » ou que « Tout ceci est absurde ! » Merci Terrence. On n’avait pas du tout compris où tu voulais en venir jusque là.
Et je pourrais à la limite tolérer ces fausses notes si le film n’était pas tout bonnement interminable. Puisqu’il n’y a pas vraiment de récit, pas vraiment de protagoniste, Malick ne sait pas comment conclure son film. Pendant qu’il cherche sur quel plan grandiloquent ou quelle phrase lourde de sens terminer ce que certains s’empresseront de qualifier de « poème filmique », nous, nous attendons impatiemment le générique de fin.
La Ligne rouge m’a confirmé que ce que je n’aimais pas dans The Tree of Life n’était pas qu’un élément propre à ce film-ci mais était en fait un élément essentiel de toute la filmographie du cinéaste. Ça me rend triste de voir ce potentiel gâché. Il suffirait que Malick mette sa puissance visuelle au service du scénario d’un autre, ou qu’il discute avec quelques monteurs acérés qui recadreraient ses idées, pour obtenir un grand film. Le cinéma de Malick s’étouffe car il ne dialogue pas avec l’extérieur.
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Tu est dur(e) ! 🙂
Perso j’ai beaucoup aimé, je le revois avec beaucoup de plaisir à chaque fois.J’aime beaucoup ce coté très “contemplatif” de Malik et en particulier dans ce film.
Je le trouve presque “reposant”, relaxant, malgré les scènes de combats et la tension qui est toujours présente, c’est assez paradoxal comme sentiment… 😉
D’un autre coté, la guerre c’est aussi ça, de très longs moments d’inaction, d’inactivité, de “paix”, d’attente entre deux moment d’actions intenses.
Je crois que c’est assez bien illustré, et je ne connais pas trop de films le mettant en avant. Peut être “l’homme qui aimait la guerre” et encore…
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Je trouve justement ce côté contemplatif totalement inefficace puisqu’il n’arrête pas de guider ce qu’on doit ressentir face à ses images. Comme je disais, il rajoute tout le temps une couche de musique + une couche de voix-off sur des images qui parlent d’elles-mêmes. Je ne conçois pas la contemplation autrement que dans le silence.
Par ailleurs je n’ai pas dit que que je n’aimais pas le film parce qu’il y a trop de moments d’attente, il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit. Je ne suis pas en train de reprocher à Malick de ne pas faire un gros blockbuster sanglant. Je suis par contre complètement en train de lui reprocher de faire de ces moments d’attente des moments pénibles qui sont autant de prétextes pour explorer vaguement des problématiques qui m’ennuient.
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C’est un film d’une poésie sereine dans l’absurdité, la violence et l’arbitraire injuste de la guerre. Les images sont magnifiques, fortes, la musique ramène à l’essentiel, celle de l’importance de la vie. Comment faire de ce monde abjecte un univers pictural merveilleux. Comme le contraste immense entre l’Homme, sa violence meurtirère et la nature si belle qui l’entoure nous rapelle que notre animosité n’est pas notre coté ignoble. Il semble que le réalisateur nous explique qu’il faut revenir à nos origines animales pour ressentir ànouveau une humanité que nous ignorons.
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Ce que je trouve assez bête, honnêtement. La nature n’est pas belle en soi, c’est le regard que porte l’humain sur la nature qui la rend belle. Ce discours ne tient donc pas debout.
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L’idée même de la beauté n’est qu’une notion humaine.
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Nous sommes d’accord sur ce point =)
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