The Master (2013)

Ma note : 8/10

Quatre ans après le succès incontesté de son précédent film There will be blood, Paul Thomas Anderson est de retour avec The Master, un projet ambitieux et audacieux qui a le mérite tant convoité par tout auteur qui se respecte: ne laisser personne indifférent.

SYNOPSIS

Freddie, un vétéran, revient en Californie après s’être battu dans le Pacifique. Alcoolique, il distille sa propre gnôle et contient difficilement la violence qu’il a en lui… Quand Freddie rencontre Lancaster Dodd – « le Maître », charismatique meneur d’un mouvement nommé la Cause, il tombe rapidement sous sa coupe…

UN DUO PASSIONNEL ET MAGISTRAL

Plus qu’un divertissement, The Master est une énigme avec en son coeur la relation passionnelle et quasi sado-masochiste entretenue par deux hommes que tout oppose. L’un, Freddie Quell (Joaquin Phoenix), est un alcoolique invétéré et victime des dommages collatéraux de la seconde guerre mondiale. L’autre, Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman), est un prêcheur influant et adulé par l’ensemble de ses «disciples» . L’intégralité du film reposant sur ce duo/duel fascinant, il est bon de préciser que sa puissance n’aurait clairement pas été ce qu’elle est sans l’interprétation magistrale de nos deux acteurs, avec une mention spéciale pour Joaquin Phoenix. Celui-ci est tellement imprégné de son personnage qu’il en devient méconnaissable, amaigri, l’échine courbée, le visage déformé et marqué par un regard d’une violence inquiétante, voire proche de la folie. Un Oscar en récompense de cette prouesse ne serait d’ailleurs pas une surprise.

En tant que génie de la mise en scène, Anderson a choisi pour ce film de miser sur un tournage en 65mm, multipliant ainsi la force de cette relation et le déchirement intérieur des deux protagonistes respectifs. De cette technique associée à un certain nombre de plans serrés et un jeu d’acteurs sans fausse note résultent des scènes d’une fluidité et d’une intensité telle que le spectateur aura parfois l’impression de commettre un acte de voyeurisme hypnotique. Outre cet avantage non négligeable, le 65mm permet de retranscrire une Amérique d’après guerre d’une ravissante formalité, laquelle nous enveloppe de cette atmosphère si particulière et empreinte de charme propre à cette époque.

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QUI DIT AUDACIEUX, DIT RISQUÉ

Revenons-en au fond. Philip Seymour Hoffman incarne donc le gourou de ce qui a tout l’air d’une secte. Riche, puissant et très entouré, il n’en demeure pas moins plongé dans une solitude qui le consume à petit feu. Sa rencontre avec Freddie Quell (J. Phoenix) va lui redonner un souffle de vie et une source d’espoir qui va s’avérer réciproque. De cette dépendance mutuelle va découler des moments plus qu’intenses entre eux deux, et dont la lenteur ne se ressent pas ou très peu, tant tout est mis en œuvre pour capter l’attention du public (cf. paragraphe précédent).

Seulement voilà, cette dose supplémentaire de réalisme apportée au public va venir troubler cette fluidité par une impression de redondance pouvant devenir lassante. Les moments intimistes qui s’enchainent, la complexité des personnages, de leur relation et la volonté du réalisateur de tout suggérer pour laisser libre court à une multitude d’interprétations possibles constituent un procédé certes passionnant, mais qui peut malheureusement avoir un effet de frustration voire d’exclusion chez le spectateur. Ces lacunes ajoutées à un manque d’information sur la secte nommée “La Cause”, ses fondements et son fonctionnement sont également à déplorer. La richesse du sujet et le fait qu’il soit relativement peu exploité au cinéma aurait en effet pu être une belle opportunité d’amenuiser la frustration de certains ou de combler la curiosité des autres.

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UNE OEUVRE PERSONNELLE ET ABOUTIE

Malgré ces quelques bémols qui risquent de diviser l’opinion de façon plus ou moins tranchée, la notion de liberté si magistralement incarnée par Joaquin Phoenix et sa rébellion contre la servitude engendrent un sentiment de satisfaction assez jouissif. Déroutant, parfois dérangeant, The Master reste avant tout un produit 100% Anderson, dont la parfaite maitrise de la mise en scène, l’audace et le jusqu’au-boutisme de l’auteur ne peuvent qu’être reconnus et salués. Tout comme Lancaster, Paul Thomas Anderson parvient ainsi et malgré tout à nous hypnotiser jusqu’à la dernière minute. Quel que soit le ressenti final, la travail réalisé est là, colossal, on le constate et on n’y reste pas indifférent. Certes moins passionnant que Magnolia, The Master est cependant et sans doute l’oeuvre la plus audacieuse de l’auteur.

Je partage parce que je suis trop 2.0 t'as vu :
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