Sinister (2012)
Ma note : 7/10
Scott Derrickson, réalisateur de l’Exorcisme d’Emily Rose, revient avec Sinister, film hybride, à mi-chemin entre le classique et le found-footage, jouant tant du malsain que du jump-scare, abritant le pire comme le meilleur du film d’horreur.
SYNOPSIS
Ellison est un auteur de romans policiers inspirés de faits réels. Dans l’espoir d’écrire un nouveau livre à succès, il emménage avec sa famille dans une maison où les anciens propriétaires ont été retrouvés inexplicablement pendus. Ellison y découvre dans le grenier des bobines 8mm contenant les images de meurtres d’autres familles. Qui a filmé ces tueries et pour quelle raison ?
Attention, à partir de 1:00 la bande-annonce spoile violemment le film. Je déconseille donc.
QU’EST-CE QU’UN BON FILM D’HORREUR ?
Avec ce film, j’ai découvert qu’un navet pouvait se révéler terriblement efficace. Car Sinister a, par bien des aspect, cette essence du navet d’horreur made in USA, usant et abusant du jump-scare à foison (silence, BOUH tu sursautes) – et le jump-scare, c’est le MAL. C’est la marque de fabrique d’un mauvais film d’horreur. D’ailleurs, une certaine mention si fièrement arborée ne nous a pas échappés : “par les producteurs de Paranormal Activity et Insidious“. Ceci explique cela (ainsi que ma réticence à aller le voir en premier lieu).
Un bon film d’horreur – et par horreur je n’entends point torture porn mais bien “terreur” – nous installe dans une certaine ambiance. La peur s’insinue lentement dans nos veines, nos yeux s’élargissent d’effroi. L’image en devient insoutenable et reste comme brûlée sur nos rétines, vouée à nous hanter à nouveau la nuit. On peut y retrouver un caractère malsain prononcé laissant une impression forte sur la psyché. Shining, l’Exorciste. Certains films d’horreurs asiatiques sont également très bons dans ce registre (Ring par exemple). Et puis, dans un registre différent, moins effrayant mais encore plus qualitatif, le film d’horreur presque poétique – et ici je pense à beaucoup de films espagnols comme L’Orphelinat ou L’échine du diable.
A l’autre bout du spectre, l’on trouvera les navets commerciaux. Depuis une dizaine d’année, l’on observe une surenchère de la sensation forte, notamment avec la sortie de franchises comme Saw ou Hostel – rien d’effrayant, tout étant misé sur le gore, souvent au détriment de la qualité. Le premier reste généralement appréciable car plus ou moins innovant, puis les suites s’enchaînent identiques, ennuyeuses. Mais le pire du pire de l’horreur de ces dix dernières années reste cette mode du found-footage faisant actuellement fureur : une caméra, trois bouts de ficelle, du jump-scare à volonté, et l’on se retrouve avec 4 épisodes de Paranormal Activity tous aussi médiocres et inintéressants les uns que les autres, ou encore un Devil Inside à vomir (pas d’horreur nous sommes d’accord, mais de consternation).
SINISTER, HYBRIDE DU PIRE COMME DU MEILLEUR
Sinister est un long-métrage hybride, tout d’abord parce qu’il intègre au film classique des éléments de found-footage par la présence de ce fameux petit projecteur 8mm. Ethan Hawke nous fera donc profiter du contenu de ces bobines – qui est, étrangement, une des choses les plus insurmontables qu’il m’ait été l’occasion de voir au cinéma.
La dernière fois que j’ai été aussi mal à l’aise que devant Sinister à cause d’un film d’horreur était il y a 10 ans, avec un film coréen intitulé Deux soeurs. Je m’étais caché les yeux pendant la moitié du film et même bouché les oreilles. Une histoire de petite fille démoniaque qui rampait près du lit, bref, j’en suis ressortie traumatisée et je me suis planquée sous ma couette pendant des semaines. Pourtant, avant et depuis, je me suis farci du film d’horreur à la pelle : espagnols, asiatiques, grands classiques, torture porn, du meilleur au pire. Kubrick, Nakata, del Toro, Raimi, Aja. Zombies, mutants des collines, petites filles maléfiques aux longs cheveux noirs et tutti quanti.
Sinister est pourtant bancal à de nombreux égards : peu qualitatif dans son ensemble, truffé d’inutiles scènes de jump-scares plus agaçantes qu’autre chose, casting sans grand intérêt avec un Ethan Hawke pas forcément au sommet de son talent (?), et, pire, poncifs de mauvais films d’horreur. Pis encore, la fin est extrêmement prévisible et les twists se devinent à la moitié du film, grand maximum.
Et pourtant. Il y a dans Sinister un aspect glauque extrêmement malsain, parfois à la limite du supportable. Comme si l’on avait créé un mauvais film, puis l’avait parsemé d’éléments si efficaces qu’il en était devenu bon. Le son et la bande originale sont un des meilleurs aspects du film car ils jouent un immense rôle dans l’introduction de ce malaise exponentiel. Moi qui suis très sceptique sur le found-footage dois avouer que c’est celui-ci qui fait la force de Sinister. Ces séquences tenant tout du snuff-movie sont d’un réalisme criant et d’autant plus horrible que les protagonistes en sont des familles, surprises dans un cadre familier. Chaque nouvelle bobine en devient une épreuve.
Sinister aurait donc pu être un film d’horreur extrêmement impactant – et pour moi, il l’a été, en atteste l’épaule de mon voisin et les nombreuse scènes que j’ai manquées car j’y étais planquée – mais au potentiel gâché par l’utilisation de clichés et ficelles de qualité médiocre. Si le réalisateur (et les fameux producteurs) s’était cantonné à cette ambiance malsaine et insidieuse, le film en aurait été nettement meilleur, surtout sur la fin qui part un peu dans tous les sens.
Sinister est donc une oeuvre où se côtoient le pire et le meilleur, sertie de certains éléments si efficaces qu’il en perd son statut de navet pour se hisser au difficile palmarès des meilleurs films d’horreur de l’année – bien loin de la médiocrité ennuyeuse à mourir de Paranormal Activity 4.
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