Guilty of Romance (2012)
Ma note : 5/10 (1ère moitié : 9/10 ; 2ème moitié : 2/10)
Guilty of Romance marque le terme de la Trilogie de la Haine de Sono Sion (Love Exposure, Cold Fish). Comme ses deux prédécesseurs, il s’inspire d’une base de faits réels. Il fut présenté notamment à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2011.
SYNOPSIS
Izumi est mariée à un célèbre romancier romantique mais leur vie semble n’être qu’une simple répétition sans romance. Un jour, elle décide de suivre ses désirs et accepte de poser nue et de mimer une relation sexuelle devant la caméra. Bientôt, elle rencontre un mentor et commence à vendre son corps à des étrangers, mais chez elle, elle reste la femme qu’elle est censée être. Un jour, le corps d’une personne assassinée est retrouvé dans le quartier des “love hôtels”. La police essaie de comprendre ce qui s’est passé.
POESIE VISUELLE
Guilty of Romance est le film que l’on regrette détester. Comme si Sono Sion avait bâti les fondations d’un chef-d’oeuvre, avant de, par vanité, allègrement vomir dessus dans la forme.
Pourtant, il y a un potentiel de fou dans ce roman visuel aux inspirations multiples, dont un fait réel. Dans cette descente aux enfers d’une femme rangée, il y a de mon roman préféré par Flaubert (Madame Bovary) et, me dit-on, du Belle de jour de Buñuel que j’ai l’ignorance de n’avoir encore vu. Sono Sion nous tartine de son érudition et nous impose du Henrik Ibsen, dramaturge norvégien du XIXème siècle, du Kafka (Le Château), du Sade qui inspirera le titre du film avec Les crimes de l’amour, et de la symbolique freudienne à tout va. J’aime pourtant les réalisateurs prétentieux (coucou Von Trier et Dolan) mais lorsque c’est fait avec subtilité. Avant de crier au génie, accusons un peu de distance.
Car malgré une trame prometteuse sur fond de meurtre à élucider, et un traité visuel sublime (cette lumière sur certains plans !), Guilty of Romance est un film agaçant. Il est agaçant de voir que d’une base aussi belle, Sono Sion ait basculé dans l’hystérie, la vulgarité et la répétition. C’est probablement cette folie qui, peu à peu, attire Izumi, accompagnée de ses symptômes, qui nous énerve et nous révulse, mais voir à l’écran une folle furieuse répéter du Ibsen 40 fois de suite (mais ta gueuuuule !) provoque peu à peu des envies de meurtre justifiant notre propre version d’une fin expéditive au film.
La première moitié, traitée en subtilité, jusqu’aux premières frasques de la jeune femme souvent touchées d’humour (noir), est jouissive. Cette répétition du quotidien d’Izumi et son mari à leur domicile, hypnotisante et symbolique de cette idéal de la femme au foyer japonaise, a du avoir encore plus d’impact et de signification au pays du soleil levant qu’il n’en a ici. L’on voit, petit à petit, grâce à d’infimes détails qui se rendent de plus en plus visibles, le carcan lisse de l’épouse parfaite se fissurer chez Izumi, d’autant plus que son mari est un obsessionnel-compulsif sans aucune chaleur… émotionnelle ou corporelle.
Nous aurons en revanche à subir la seconde moitié, comme Izumi l’a elle-même subie. Sauf qu’en quelque sorte, celle-ci était consentante car ce passage est garant de sa libération, et nous ne pouvons que rester les yeux rivés à l’écran, entraînée par cette spirale comme elle l’a été, rythmé de chapitres qui marqueront sa décadence.
CRITIQUE ENRAGEE DE LA SOCIETE JAPONAISE
Les scènes de baise hystérique s’enchaînent, menées par une ronde de personnages tous plus malsains les uns que les autres, parsemé de cris et de crises (mais ta gueuuuuule !). Sono Sion chercherait-il à expier une forme de colère contre la société japonaise en faisant payer ses personnages ?
Malgré le jeu impressionnant des actrices, les deux héroïnes Izumi et Mitsuko ont ce défaut qu’elles ont provoqué en moi une absence totale d’identification : la rébellion contre la société et la libération par l’autodestruction sexuelle, c’est sympa, mais chez les autres. Le réalisateur le sait et précise que ses personnages féminins sont sciemment construites hors des généralités, ce qui le dédouane de toute accusation de misogynie, et pourtant je n’arrive pas à taxer ce film de féministe. Il a interviewé de nombreuses femmes, adultérines ou prostituées, pour tirer de leur témoignage l’essence même du film (pardon de n’être ni adultérine, ni prostituée). Et là je me dis : d’accord, mais ça aurait dû au moins m’intéresser ? Oui, ce film EST intéressant. Mais devient insupportable à force de trop en faire.
Tu pourras m’accuser d’être prude s’il t’en prend l’envie, et pourtant. Le Shame de Steve McQueen traitait également d’érotisme sous un jour autodestructeur, et avec une beauté qui n’avait nul besoin de s’avilir des inspirations crues du genre pornographique. Mais cela, Sono Sion le fait en toute connaissance de cause, puisqu’il le revendique (et ça se respecte sans adhérer), au risque de se faire taxer de racoleur, mais tout en affirmant que Guilty of Romance est un film ro-man-tique (c’est ici qu’il faut crier au génie).
Après avoir été fascinés, nous en venons à détester ce film qui s’auto-gâche au point de nous faire sombrer dans un malaise profond, à peine relevé par un dénouement intéressant, et définitivement achevé par l’incongruité inutile des toutes dernières minutes. J’aimerais tout analyser car il y a encore beaucoup à décrypter, mais j’y ai passé assez de temps. Je veux aimer ce film qui transpire le talent, je veux lui accorder une critique dithyrambique pétrie de louanges, mais je ne peux pas. Dommage.
Note : le Director’s Cut original durant 144 minutes, il a été amputé d’une demi-heure dans sa version cinéma. Il serait intéressant d’en voir la version intégrale pour un avis supplémentaire.
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Très bonne critique. Elle me donne le goût de voir le film malgré ta mauvaise note. Surtout pour voir le film d’un cinéast prétentieux, un genre qui me fascinera toujours. Continue ton bon travail d’écriture!
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